Le jour de ta naissance

A notre petite Mathilde,Oui, Bébé Princesse a un prénom, le plus beau des prénoms : Mathilde ! Alors, il y a des dédicaces pour ce prénom, la première allant vers ma grand-tante qui a tant donné à ma maman, ta mamie donc, et à qui je dois, du coup, beaucoup. Sans elle, je n’aurais pas…


A notre petite Mathilde,
Oui, Bébé Princesse a un prénom, le plus beau des prénoms : Mathilde ! Alors, il y a des dédicaces pour ce prénom, la première allant vers ma grand-tante qui a tant donné à ma maman, ta mamie donc, et à qui je dois, du coup, beaucoup. Sans elle, je n’aurais pas reçu cette partie d’éducation qui a fait ce que je suis donc je trouve qu’il fallait la remercier comme il se doit.
Ensuite, vers ta mamie Odile, ton papy Pierrot, ton tonton Seb et tous ces passionnés de Jacques Brel et de son illustre chanson.
Autre dédicace, celle qui concerne Allison de qui nous avons tiré ton deuxième prénom, Ally. Vous partagez la même date d’anniversaire et le souligner nous semblait important pour remercier Allison de sa générosité et dire ainsi à Shaun et Regina combien nous aimons leur demoiselle qui a donc fêté lundi ses 9 ans.
Dernière dédicace ayant surgi à la dernière minute, Eugénie, qui est ton arrière-arrière-grand-mère du côté de ton papa Fred. Il a voulu faire figurer nos 3 familles dans ton nom pour mieux montrer combien tu es un mélange de toutes ces essences, de toutes ces histoires, de tous ces cœurs. J’aime ce prénom, Eugénie, qui correspond bien à l’idée de princesse que nous nous sommes faits de toi.
Il est temps de raconter en détails ta venue au monde, tout du moins de mon côté car ton papa Fred a vécu une expérience bien différente. Dès 4 heures du matin, les e-mails et SMS abondaient pour nous souhaiter bonne chance, ta tata Nathalie en tête du cortège. Le réveil n’a pas été douloureux pour nous puisque, à ma grande surprise, nous avons réussi à dormir profondément, sans aucun stress. Ce ne fût pas le cas de tout le monde, ta maman Re n’ayant pas fermé l’œil tout comme tes grands-parents Pierrot et Chantal.
Arrivés à l’hôpital, nous avons retrouvé Shaun et Regina pour un long moment très intime où les blagues coupaient des moments de silence plein de non-dits. La peur nous gagnait au fur et mesure et j’ai été, je crois, le dernier à la laisser s’emparer de moi. Ta maman Re est partie dans la salle d’opération avec un peu de retard et il me fallait patienter avant de la rejoindre afin que l’anesthésie locale fasse son effet. Entendre les mouvements des médecins, avoir des sensations… telles étaient les craintes de Regina, tout à fait compréhensibles.
Shaun est parti une seconde poser une question à une infirmière et un cri de douleur a envahi le couloir. Re nous dira plus tard que la première piqûre avait été ratée et qu’elle n’avait pu retenir son envie d’hurler. Il était temps pour moi d’aller vers toi. Je serrai fort Shaun, ton papa Fred et embrassai ton papy Pierrot et ta mamie Chantal à travers la vitre qui nous séparaient les uns des autres.
On montre les salles de césarienne comme des endroits obscurs, silencieux, ténébreux, j’ai donc été très surpris de voir le soleil s’y lever à travers de grandes fenêtres dominant la vallée et l’été indien, de constater de la blancheur des murs. Tout était immaculé et je voyais les médecins s’affairer autour de ta maman Re. Je n’ai pas regardé le reste, mes yeux étaient happés par ceux de Regina qui m’appelaient. Je me suis assis à ses côtés, au niveau de sa tête et un grand drap bleu cachait tout le reste. Des machines entouraient ta maman et je tournais le dos à une partie de la pièce. J’ai eu beau essayer, je n’ai pas pu m’empêcher d’extirper un sourire à ta maman malgré les mouvements de son corps causés par le travail des médecins. J’ai pu lui dire aussi combien je l’aime, combien nous lui sommes reconnaissants, comme la vie est belle depuis notre première rencontre… Une infirmière me demanda de me lever pour aller te prendre dans mes bras, mais au lieu d’une étreinte inoubliable, j’ai eu devant mes yeux un spectacle que je n’oublierai jamais. Le fameux Dr Keenan, tirait quelque chose très fort vers lui, comme il l’aurait fait avec un poteau ancré dans le sol. Je voyais du sang, mais rien d’autre, et ressentais la violence de ses gestes. J’ai regardé alors les 4 infirmières debout derrière lui et ai vu leur regard écœuré juste avant qu’elles ne tournent la tête pour cesser là ce spectacle qui les effrayait. On me fit me rasseoir et je compris alors que rien ne se passait comme prévu. Au lieu de craquer comme mon cœur me le disait, j’ai souri à ta maman Re, je l’ai rassurée en lui disant que tout le monde avait l’air confiant, mais que le moment de la sortie n’était pas encore arrivé. Sa tête bougeait sous les « coups » des médecins, je ne comprenais plus rien, mais me disais que ta maman devait s’accrocher, que c’était la priorité, qu’il valait mieux que l’on te perde plutôt que de priver Shaun, Michael et Allison d’une merveilleuse femme/maman. Ne prends pas mal cette dernière phrase, car te perdre aurait été inhumain pour nous, mais Regina nous fait le plus beau des cadeaux et je n’aurais jamais survécu à une issue dramatique la concernant. Cela aurait été tellement injuste.
Du bruit couvre nos voix dans la salle. Je me tourne un peu vers la gauche et découvre d’autres infirmières, beaucoup, poussant un chariot rouge qui n’était pas là quand je suis entré. Je supplie le monde de vous sauver toutes les deux avant de réaliser qu’un peu plus loin, des nurses se penchent sur un petit corps. Tu étais sortie, sans aucun pleur, et tout le monde chuchotait tandis que des mains te touchaient, t’auscultaient. Au lieu de laisser mes yeux sur toi que je n’apercevais que par bribes, je me suis retourné vers ta maman Re pour la soutenir et surtout te cacher afin de ne pas l’inquiéter. C’est en te cherchant à nouveau du regard que Regina t’a vue et m’a demandé « Elle est sortie ? ». J’ai dit oui et son autre question était la même que la mienne : « pourquoi est-ce qu’elle ne pleure pas ? ». Elle l’a répétée, pleurant tout comme moi, et le plus beau son du monde est né : tu as poussé ton premier cri. Ta maman Re et moi étions en larmes, soulagés, heureux, hurlant « Elle pleure ! Elle pleure ! ».
Mais pourquoi ne m’appelait-on pas pour venir te voir ? Une infirmière m’a dit de rester assis, d’attendre, n’a pas répondu quand je lui ai demandé comment tu allais, il y avait des complications. J’ai patienté, rêvant de tout casser devant moi pour t’atteindre. Dr Julie est la pédiatre qui t’a sauvée la vie avec l’infirmière Catherine. La première est venue vers moi, me racontant que tu n’avais pas respiré et avais fait un arrêt cardiaque simultanément pendant 30 secondes, mais qu’un peu d’oxygène et un massage sur ta cage thoracique t’avaient ramenée à la vie. J’ai demandé à te voir et elle m’a dit « bien sûr ! C’est votre fille ! ». Je n’ai pas pu regarder ton visage puisque ton crâne était vers moi et mon premier réflexe a été de compter tes doigts de pieds et de mains. Le compte était bon, mais 5 était-il le chiffre juste ? Oui, bien sûr, mais mon cerveau était comme bloqué, arrêté, en suspens. Dr Julie m’a montré ton bras droit et ton aisselle gauche puis ta jambe droite. Ils étaient violets à cause de l’opération, le Dr Keenan ne t’ayant pas ménagée. C’était très impressionnant, mais tu pleurais, tu hurlais… tout semblait donc aller bien, Dr Julie me disant que tu avais retrouvé toutes tes couleurs en moins de 3 minutes, il n’y aurait donc probablement aucune séquelle. Les présentations à ta maman Re étaient venues et Catherine t’a amenée à elle avec moi. Nous pleurions, mais plus toi, la couverture réchauffant tes membres. Comme tu étais belle, couverte d’un peu de ce liquide blanc qu’ont les bébés qui naissent avant le terme. Au lieu d’un sourire, c’est une langue que tu as montrée à ta maman et à moi, nous tirant au passage nos premiers sourires après une très grosse frayeur.
On te plaça sur un chariot chauffant et on nous fît sortir ensemble de la pièce. J’embrassais ta maman et lui disais à nouveau combien je l’aimais, ne pouvant rester avec elle durant la phase de suture. Juste derrière la porte, attendaient ton papa Fred et Shaun, aux regards paniqués. Je les rassurai, serrant le premier dans mes bras pour lui dire que tu étais belle, belle, si belle. Puis je prenais Shaun contre moi afin de le rassurer sur l’état de Regina. Déjà tu étais loin dans le couloir et nous te suivions, tous les 5 puisque ton papy Pierrot et ta mamie Chantal nous avaient rejoints. Tu as été auscultée immédiatement après ta pesée (2,998 kg) et la mesure de ta taille (47 cm) et seuls papa Fred et moi avons été autorisés à te suivre. Tu n’as pas aimé les piqûres, les prises de sang et les différents soins, mais tout indiquait que tu allais parfaitement bien. Suffisamment réchauffée, tu as été placée dans une chaude couverture puis dans les bras de papa Fred sur un rocking-chair. Notre première rencontre était là, tu existais après 21 ans d’envie de toi (pour ma part) et 3 années de démarches. Ton papa Fred et moi te dévorions, tes grands-parents te regardaient à travers la vitre avec ton tonton Shaun. Tu as été peau contre peau avec ton papa Fred, cherchant à le téter au passage, pour profiter de sa chaleur. Mon tour était venu et je découvrais ta légèreté et ton seul œil ouvert, tout comme je l’avais fait à ma naissance. Une pure merveille malgré un immonde bonnet violet tricoté. Jamais je n’avais vu un si beau bébé (je ne suis plus objectif depuis que tu es là et je m’en fiche !!). Catherine, l’infirmière, prenait soin de toi dans mes bras et je t’ai laissée avec ton papa Fred pour aller parler avec les autres impatients. Ils ont pu revenir avec moi et j’ai offert à ma maman ton prénom, Mathilde, alors que nos yeux étaient pleins de larmes. Elle m’a dit et redit depuis, combien c’était un beau cadeau. Je suis très fier de ce prénom qui te sied comme un gant et qui plaît à la plupart de nos proches.
Il était temps pour ton papa Fred de prévenir ta mamie Odile et ton papy Jean-Fa. J’ai donc eu la chance de m’installer dans un rocking-chair avec toi recouverte d’une couverture. Ton papy Pierrot et ta mamie Chantal étaient derrière moi pour avoir une vue prenante sur leur petite-fille tandis que ton tonton Shaun était en face et te dévorait des yeux. J’étais tellement heureux de le voir, qu’il soit là, avec nous. Sans lui, rien n’aurait été possible. Tout le monde me regarde comme un fou quand je dis ceci, mais c’est vrai et je crois que mes parents s’en sont rendu compte. Son soutien, son amour envers ta maman Regina, ses qualités de cœur, ses larges épaules qui ont permis à Re de soulager les contrariétés liées à une grossesse… tout cela a joué un rôle crucial dans les relations que nous avons tissées et dans toute cette sérénité. Il s’étonne de me voir l’appeler «Tonton Shaun», mais c’est le seul terme que je trouve afin de lui faire comprendre qu’il fait partie de notre famille, au même titre que ta maman Re.
Nous n’avions toujours pas de nouvelles de celle-ci et je voyais Shaun s’inquiéter. En te serrant dans mes bras, mon esprit savourait ta présence, tes petites larmes, mais demandait aussi un retour de la part des infirmières. On nous rassura, ta maman était sur le chemin de sa chambre et nous allions pouvoir la voir bientôt. Il était d’ailleurs temps pour nous de découvrir notre espace, une jolie chambre à seulement quelques pas de celle de ta maman.
Les affaires que nous avions préparées depuis de si longs mois allaient enfin servir. Tout le monde s’était «moqué» de mois quand j’avais investi dans une taille 0 mois et j’ai eu ma petite revanche puisque tu nages, encore aujourd’hui, dans des habits de tailles supérieures. Tu as d’ailleurs été le sujet d’un pari quelques minutes avant ta naissance, ton papa Fred ayant donné le pronostic le plus proche de ta taille (47 cm, au final) et ton tonton Shaun de ton poids (2,980 kg sur la balance). J’ai été mauvais sur ce coup, je te voyais encore plus «crevette» que tu ne l’as été.
Je me souviendrai toujours de ton premier bain reçu à peine quelques heures après ta naissance. Une vraie prude, une pure nonne, tu as détesté pendant plus d’une semaine être toute nue. Les choses s’améliorent au fur et à mesure, mais le moindre change correspondait encore avant-hier à une crise de larmes assurée. Ce premier bain, tu l’as donc haï au plus au point et c’est seulement quand tu as été enveloppée dans un body blanc et un pyjama rose que tu as retrouvé ton calme olympien.
Il était temps de manger pour la première fois et ta maman Re t’attendait avec impatience. Elle semblait très fatiguée, mais aussi captivée par toi répétant sans cesse combien tu étais petite et belle. Ce mot «beautiful» nous suit au quotidien, tout le monde s’exclamant devant toi. Nous avons déjeuné hier dans un restaurant de Boston et avons tous les deux été choqués par la serveuse qui t’a regardée et n’a rien dit du tout… Que veux-tu, on s’habitue à entendre ce genre de compliments.
Re n’en revenait pas d’avoir pu faire un aussi petit bébé. Allison et Michael étaient des costauds et ta maman n’attendait pas autre chose de toi, mais tu l’as surprise, dans le bon sens du terme. Je redoutais un peu votre première rencontre puisque celle-ci allait définir la future séparation. Si Regina avait pleuré ou semblé regretter, tout aurait été très difficile pour nous, mais son éternel sourire, malgré une opération difficile, a montré qu’elle s’était préparée et qu’elle profiterait de toi avec tout le plaisir du monde jusqu’au moment de l’au revoir.
Tu as tété avidement après toutes ces heures passées à attendre que l’on te nourrisse. Regina n’a ressenti aucune douleur puisque tu as été toute douce avec elle. Cette première rencontre sein/Mathilde, n’allait pas être la dernière, la balade chambre 215/chambre 205 commençant. Nous avons poussé en effet ton berceau roulant jusqu’à la chambre de ta maman Re pendant deux jours avant de passer au biberon que nous pouvions te donner. Ces tétées ont été l’occasion de partager des moments privilégiés avec Regina, profitant du calme de l’hôpital pour aller lui rendre des visites intimes où nous discutions au beau milieu de la nuit. Je me rappelle des regards étonnés des personnes que nous croisions pendant nos mini trajets. Tout le monde s’arrêtait pour te regarder, te complimenter et il était difficile de nous frayer un chemin pour te nourrir.
Ta première journée de vie s’achevait sur ta véritable rencontre avec ton papy Pierrot et ta mamie Chantal avant l’arrivée d’Allison et de Michael qui étaient étonnés de te voir découvrir si petite. Mike t’a fait un bisou comme tous ceux qu’il avait pu te donner alors que tu préparais ta venue dans le ventre de ta maman. Il nous en parle encore et se demande si tu te souviendras de ces câlins quotidiens. Le plus beau jour de notre vie s’achevait et nous pouvions enfin profiter en tête à tête de toi et nous considérer pour la toute première fois comme une famille. Une famille différente, mais une famille heureuse assurément.
Je te quitte afin de clore cette journée riche en émotions et mieux te raconter la suite
Je t’aime, Mathilde
Papa Julien


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