Que septembre arrive vite, petit bébé. Je pleure comme je ris, ces derniers temps, en pensant à toi. Rien que l’autre jour en discutant avec ta Mamie Chantal, les larmes sont venues d’un seul coup, au grand étonnement de ma maman. Je lui ai expliqué ce sentiment de manque, ce début de frustration, elle a semblé comprendre. Ma maman et moi passons beaucoup de temps à nous chamailler mais elle me saisit bien, je crois. Elle n’aime pas trop ma façon de réagir aux choses, voilà tout… Elle rêve que je me forge une carapace bien solide. Elle a presque réussi mais j’ai décidé de l’enlever car être dur, ce n’est pas moi du tout.
Nous avons rencontré deux nouveaux bébés, voilà quelques jours. Youna et Yann sont nés grâce à deux mamans magiciennes. Ces faux jumeaux respirent le bonheur et la tranquillité. Leurs papas, Robert et Edwin, sourient sans cesse. C’est l’apothéose malgré la grande fatigue. S’occuper de deux bébés n’est vraiment pas de tout repos. Corinne, ma cousine, nous a raconté l’autre jour comment se passait ses journées avec ses filles Marie et Gwendoline. Je m’en rappelle bien, j’étais là quand ma grand-mère les avait gardées. Je n’avais que 7 ans mais je me souviens parfaitement de tout ce bruit, de ces crises de larmes en même temps. Je me souviens aussi de Gwendoline vomissant sur mes chaussures… Comment oublier ça ? Là, c’est moi qui m’étais mis à pleurer… Mes chaussures préférées, tu imagines ?
Le chemin est encore long avant de te dire ton premier bonjour… Serai-je assez fort jusque-là ? Je n’ai aucune patience, tout doit être fait tout de suite, maintenant. Je fonctionne comme ça pour tout. Et là, pour toi, je dois me contenter d’attendre ? C’est tellement injuste… Je ne sais pas comment font les autres. Ton papa Fred, lui, semble confiant et prêt à vivre ces longues semaines. J’ai beau m’en inspirer, j’échoue régulièrement. Du coup, je me force à ne pas penser à toi, ce qui est vraiment terrible. Si je pouvais passer mes journées à le faire, je n’hésiterais pas !
Les choses bougent autour de nous et les politiques s’annoncent en faveur d’une législation pour nous les parents différents. Nous sommes à moins d’un an des élections présidentielles et nous savons que si le camp de la gauche prend le pouvoir, tu viendras au monde dans une société bien plus juste. S’il perd, nous devrons faire avancer les choses par nous-mêmes, dans notre petit coin. C’est ce que nous faisons déjà, je crois, en parlant de toi à nos proches, en écoutant leurs craintes, en discutant de tout ce qui se passera. Je ne pensai pas que les réactions seraient aussi bonnes. Certaines m’étonnent par leur force, leurs encouragements. D’autres me surprennent. Même si elles sont très rares, nous faisons face à quelques défiances de la part de personnes que je croyais tout acquises à cette noble cause. Il faut encore un peu de temps pour faire accepter le choix que nous avons fait, montrer que nous serons capables de te rendre très heureux, petit bébé.
Ces étapes s’ajoutent à l’attente mais ne gâchent pas notre envie de toi. Elles nous remettent en question et nous permettent d’avancer dans notre démarche mais aussi de bien valider nos choix.
Si la gauche est élue, l’adoption deviendra possible pour deux papas comme nous. Ce serait formidable même si je crains que certains pays refusent les candidatures de deux garçons qui s’aiment. En Europe, des nations ont lancé cette belle idée et la mettent seulement en place. Comment tout ceci se passe-t-il ? Rien n’est encore dit.
Adopter un enfant est aujourd’hui bien trop complexe pour être envisagé. Si les lois changent, pourquoi ne pas y songer ? Pour avoir un tel bébé, nous serions obligés aujourd’hui de nous séparer, de vivre loin de l’autre, de cacher notre amour. Ni ton papa, ni moi ne sommes prêts à faire ça. L’adoption est plus facile quand on est une femme. Un homme reçoit rarement une réponse favorable à sa demande… Pourvu que la société avance et réalise qu’un enfant est bien plus heureux entouré de grands-parents aimants, d’oncles et de tantes gagas et de deux papas que seul derrière les murs d’un orphelinat sombre.
J’attends vraiment que ce débat s’ouvre, que les Français se prononcent. D’ici un an, nous devrions en connaître les résultats.
Je t’embrasse petit bébé.
Papa Julien
Que septembre arrive vite, petit bébé. Je pleure comme je ris, ces derniers temps, en pensant à toi. Rien que l’autre jour en discutant avec ta Mamie Chantal, les larmes sont venues d’un seul coup, au grand étonnement de ma maman. Je lui ai expliqué ce sentiment de manque, ce début de frustration, elle a…
Laisser un commentaire