Revenons un peu en arrière petit bébé pour te raconter les événements que nous avons cachés à nos proches ces dernières semaines. Nous avons donc été voir ta maman Re et toute sa famille au tout début du mois de décembre 2007 et tout s’est merveilleusement passé. C’est un hiver tout blanc qui nous a accueillis pour cette deuxième tentative dans laquelle nous avions mis tant d’espoir. Celle-ci s’est déroulée sans clinique, cette étape nous ayant tous plus ou moins perturbés en novembre. C’est donc à la maison de ta maman Re que nous avons essayé de te faire arriver dans une ambiance beaucoup plus intimiste et détendue.
Ce calme a porté ses fruits puisque nous avons attendons un coup de fil autour de Noël qui a tardé à venir. Nous étions, en effet, en train de profiter de vacances au ski avec ta Mamie Odile, ton papy Jean-Fa et tous tes oncles, cousins et tantes quand nous devions apprendre une bonne ou une mauvaise nouvelle. Ta maman Re a mis quelques jours à nous téléphoner car elle croyait être enceinte. Mais, certains signes laissaient tout de même planer le doute. Nous avons eu beau nous dire de freiner notre espoir, celui-ci a grandi dans notre cœur jusqu’à un examen définitif qui a fait un diagnostic terrible : ta maman Re avait été enceinte de nous, mais le bébé n’était plus là. C’est ce qu’on appelle une fausse-couche. Notre timide joie s’est alors effondrée au profit d’un énorme chagrin. Nous avions déjà vécu l’échec, mais jamais encore la perte d’un bout de vie. Nous n’avons pu faire bonne figure face à toute notre famille même si nous avons tu la raison de notre tristesse. Aujourd’hui, seules quelques personnes savent combien il a été difficile pour nous de retrouver le sourire.
Le mois de janvier a été atroce. Les jours qui ont suivi cette annonce ont vu ton papa Fred très malheureux et j’ai essayé de le soutenir en lui rappelant un point positif : si la grossesse n’était pas là, cette étape montrait tout de même que ta maman Re pouvait tomber enceinte de nous. C’était un espoir auquel nous rattacher. Ton papa a retrouvé toute son envie de réussir et c’est mon moral qui, à son tour, a connu une baisse terrible. Nous avons tous les deux pleuré et, aujourd’hui encore, j’ai du mal à retenir mes larmes. Je me suis senti si impuissant face à la perte de ce petit bout de vie, ne pouvant rien faire pour l’empêcher. Nous avons été les témoins de quelque chose qui nous dépassait et je n’ai pas l’habitude d’être spectateur, de laisser les autres faire les choses à ma place et ni ton papa Fred ni moi n’avons servi à quoi que ce soit.
Bien sûr, aucun de nous deux n’a été en colère contre ta maman Re. Elle a fait tout son possible pour garder ce bébé, mais la vie en a voulu autrement. Ces fausses-couches très précoces annoncent souvent un tout-petit malade ou mal formé qui n’arrive pas à grandir correctement. C’est donc Dame Nature qui a décidé d’interrompre cette croissance. Ta maman, elle, a vu cette perte comme un formidable espoir. En tant que femme, elle a su croire immédiatement à une issue meilleure, à de beaux et heureux jours. Elle nous a soutenus et je crois que notre sourire ne serait pas revenu aussi vite sans elle. Un fois de plus, ta maman Re a été formidable…
Nous avions déjà décidé début décembre de ne plus parler de nos voyages aux Etats-Unis, les questions que nous avions connues fin novembre n’ayant pas été faciles à vivre. Ceci a été une sage décision car les interrogations de nos proches à propos de notre insémination de décembre nous ont fait très mal. Si cette peine causée n’était vraiment pas intentionnelle, elle était tout de même réelle. Nous avons affiché des sourires courtois, certaines personnes (comme ta mamie Chantal) nous ont même trouvé particulièrement heureux alors que nous avions envie de pleurer chaque jour. Nous nous sommes donc terrés chez nous pendant 1 mois en évitant soigneusement de voir nos amis et nos familles afin de panser nos plaies.
Cette aventure douloureuse nous aura permis de vivre quelque chose d’intense ensemble. Si nous avons connu les décès, les maladies, les chagrins autour de nous, cette grossesse annulée a été le premier événement dramatique qui nous concernait tous les deux avec la même force. Nous nous sommes rapprochés et avons, depuis, du mal à nous quitter. Comme quoi du mal découle toujours du bon…
Plusieurs personnes m’ont dit que je ne devrais pas trop prendre à cœur cette fausse-couche, que chaque femme ou presque en avait connu dans sa vie. Je sais qu’elles ont raison, mais voilà 2 ans et demi que nous nous battons chaque jour dans l’espoir que tu arrives et que commence la plus belle histoire. Il est donc difficile de ne pas voir s’exaucer un rêve jusqu’au bout. Nous avons eu besoin de recul avant d’envisager à nouveau notre route vers toi. Pour nous éviter des regards désolés, des questions probablement douloureuses, nous allons continuer de taire nos tentatives en espérant qu’un jour nous puissions enfin annoncer une grande nouvelle. Pourvu que ce moment arrive vite afin de retrouver le sourire et de ne plus jamais le perdre…
Je t’aime déjà petit bébé, fais vite !
Ton papa Julien
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